Idée de Civilisation

Si tous les enfants du monde voulaient se donner la main …

Il ne faut pas confondre une civilisation qui est l’ensemble des traits qui caractérisent l’état d’une société donnée, du point de vue technique, intellectuel, politique et moral, sans porter de jugement de valeur [on peut alors parler de civilisations au pluriel] et la civilisation qui est un idéal, une valeur.
Les civilisations sont multiples tant dans l’espace que dans le temps. Elles peuvent s’opposer voir se détruire : les civilisations américaines d’avant la découverte de l’Amérique ont toutes disparu. D’où le thème actuel de « choc de civilisation »
Camus [1946] : « le problème russo-américain, et là nous revenons à l’Algérie, va être dépassé lui-même avant très peu, cela ne sera pas un choc d’empires. Nous assistons au choc de civilisations et nous voyons dans le monde entier les civilisations colonisées surgir peu à peu et se dresser contre les civilisations colonisatrices. »
Bernard Lewis [1957] : « ces ressentiments actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux lorsqu’on s’aperçoit qu’ils résultent, non pas d’un conflit entre des États ou des nations, mais du choc entre deux civilisations. Commencé avec le déferlement des Arabes musulmans vers l’ouest et leur conquête de la Syrie, de l’Afrique du Nord et de l’Espagne chrétienne […]. Depuis un siècle et demi, le Moyen-Orient musulman subit la domination de l’Occident – domination politique, économique et culturelle […]. Je me suis efforcé de hisser les conflits du Moyen-Orient, souvent tenus pour des querelles entre États, au niveau d’un choc des civilisations. »
Samuel Huntington a donné une portée mondiale à l’idée de choc des civilisations en identifiant huit civilisations à l’échelle desquelles se jouerait désormais la guerre et la paix dans le monde : l’occidentale, la latino-américaine, l’orthodoxe, l’africaine, l’islamique, l’hindouiste, la bouddhiste, la chinoise.
La civilisation, au singulier, désigne l’état d’avancement des conditions de vie, des savoirs et des normes de comportements ou mœurs [dits civilisés]. Elle induit les notions de progrès et d’amélioration vers un idéal universel engendré, entre autres, par les connaissances, la science, la technologie. La civilisation s’oppose à la barbarie [des êtres sans foi ni loi, cruels et insensibles] à la sauvagerie [des êtres peu évolués, ignorants, connaissant la faim, le froid].
Pour certains, les progrès de la science ne caractérisent pas forcément l’homme civilisé. On parle bien de la barbarie nazie !
Un mythe, rapporté par Platon dans Protagoras, distingue les apports de la technique de ceux de la civilisation. Prométhée a apporté aux hommes les arts et les sciences, mais les hommes ne parviennent pas à s’entendre et à profiter de ces présents, ils continuent à vivre comme des animaux. Zeus leur fournit alors la pudeur et la justice, c’est-à-dire la possibilité de prendre en compte les autres membres de la société et de régler les différends de manière pacifique et ordonnée. Les hommes peuvent alors construire la vie en cité. La civilisation apparaît comme étant le moyen pour les hommes de s’élever au-dessus de la condition animale.
Les civilisations développent des normes de comportements en société, comme la chevalerie. Une société, une civilisation définissent souvent leur type d’homme idéal [« l’homme de bien » de Confucius, « l’honnête homme » du XVIIe siècle européen, le « gentleman » de l’Angleterre victorienne…]. Le comportement civilisé [que l’on retrouve dans toutes les civilisations ou qui est celui d’une civilisation idéale, universelle] est celui qui permet aux hommes de vivre ensemble pacifiquement. Et même plus que cela, il faut qu’il y ait entre nous du respect, de la justice, de la tolérance et de la bienveillance.

Je serais civilisé si mon hôte connu ou inconnu pouvait me dire
« il fait bon vivre chez toi, on s’y sent un homme ».